Les bottes plein de boue, tu te déchausses devant la porte de ta splendide demeure. Une douleur lancinante t’arrache une grimace. Ton dos. Tu souffres. C’est comme si toutes tes vertèbres étaient collées les unes aux autres, sans aucun amortisseur entre. Le cheval, c’est génial, mais ce n’est pas sans danger. Entrant en chaussettes dans la baraque, ton chat sort de sa léthargie pour venir se frotter à ta cheville. Ton chien, plus flemmard n’a pas réussi à sortir de son panier. Aucun feu dans la cheminée. Il fait aussi froid que dehors. Te dirigeant directement à l’étage, tu t’enfonces dans ta salle de bain pour mettre la main sur ton flacon d’anti-inflammatoires. Un ou deux ? Deux. Les deux cachets sur ta langue, tu les avales à l’aide d’un grand verre d’eau. Et puis tu refermes ton placard et c’est le choc. Ton reflet .. Tes joues sont rouges. Tes cheveux sont électriques et se bagarrent entre eux. Le peu de mascara recouvrant tes cils s’est tiré sur tes paupières.
— « Horrible. Tu ressembles à rien ma pauvre fille ».
Tes mains recouvrant ton visage, tu te déportes ensuite sur la droite pour allumer la douche jusqu’à ce que l’eau devienne bouillante. Il est déjà tard et personne n’est là pour réchauffer la piaule ou gâter ton estomac. Tout est à faire. Pour l’heure, tu te déshabilles et te faufiles sous le torrent brûlant. Ta peau se décongèle. Quelques gémissements glissent hors de tes lèvres. Tes yeux se closent. Tes cheveux se plaquent sur le sommet de ton crâne. Plus rien n’existe. Pause. Le temps s’arrête. Douce illusion. Ton épiderme suffisamment décrassé, tu t’extirpes de la station de lavage pour te sécher. L’appel du ventre te guide ensuite dans ta cuisine. Un steak se fracasse sur une poêle et grésille au contact de l’inox. Totalement rincée, tu te traînes sur le canapé et alors que tu ne t’étais posé que pour une minute, il s’en est passé plusieurs avant qu’une alarme stridente te réveille en panique. Odeur de cramé. Tes narines se rétrécissant et s’agrandissant te ramènent à la cuisine ou une partie de ton plat s’est transformé en charbon.
C’est ainsi que tu t’es retrouvée ici, dans ta tenue décontractée, deux petites couettes raides en bas de ta boîte crânienne. Enfantine, comme oubliée par ses parents, tu croques dans ton burger, tes jambes se balançant sous la table et ton regard dévorant le juke-box lumineux. T’aimerais bien avoir de la compagnie, t’aurais même adoré que ton père soit là pour aller te faire danser, mais il n’est plus de ce monde. L’homme de ta vie t’a quitté, toi et tes soeurs ..
— « Fais chier la vie. Mais c’est bon ce truc » que tu marmonnes en louchant sur le pain comprimé entre tes doigts.

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