un. KING. Un nom puissant. Qui clame la royauté. L'histoire est tout autre. Les King sont avant tout une famille simpliste et unique. Il n'existe pas d'autres familles comme celle-ci. Avec un père bourreau du travail, qui fait toujours le maximum pour subvenir aux besoins de sa femme et de ses septs gosses. Une mère au foyer qui a passer sa vie à la maison pour établir la meilleure éducation qui soit pour ses enfants. Ils n'ont jamais été ornés d'or comme Crésus, n'ont jamais eu le compte bancaire de Charles Koch, mais ils étaient riches d'amour. C'est tout ce qui compte, pas vrai ? Les King sont uniques en leurs genres et aucune autre famille ne peut les détrôner. deux. Une enfance plus ou moins classique. Deux frères avant toi, puis quatre autres après, dont une fille. Une deuxième. Six hommes contre trois femmes. Difficile de négocier le film à la télé le soir, quand celle-ci ne faisait pas des siennes. Difficile d'avoir le dernier bout de gâteau qui traîne dans le fond du placard. Haute comme trois pommes, tu aidais ta mère - qui se tuait à la tâche tous les cinq matins - pour que les hommes de la famille soient traités comme des princes. Les femmes à la maison, les hommes au charbon. Lorsqu'ils rentraient du travail ou bien de l'école, ils n'avaient plus qu'à mettre les pieds sous la table. C'était ça ton enfance. C'est tellement cliché, mais pourtant bien réel. trois. Peu de temps avant ta quinzième bougie, tu as arrêté l'école. Toi qui étais pourtant si douée, d'après tes professeurs. Tu as tout arrêter pour apporter ton soutien à ta mère. Les petits derniers faisaient des siennes. Gérer sept petiots, plus le père de famille n'est pas vraiment de tout repos. Et c'est encore plus compliqué lorsqu'on n'a pas de quoi s'payer une nourrice. Tu gardais tes frangins, ta petite-soeur. Tu t'occupais de la maison. Et le soir, par moments, tu faisais un peu de black. Pour aider financièrement. L'salaire du paternel ne suffisait pas à payer les factures. Dés ton plus jeune âge, tu étais déjà indépendante et débrouillarde. Ce qui a pas mal aidé tes parents. quatre. Tu t'entends avec la plupart de tes frères et sœurs. Tu n'as jamais trop été celle qui entrait dans le conflit, lorsque conflit, il y avait. T'es un peu l'ange gardien de cette famille. La bonne étoile. Celle sur qui on peut s'reposer. Sans que l'on pense forcément à toi, en retour. Être là pour les autres, tu sais faire. Seulement, tu as oublié de penser à toi, Allie. À tel point que ton cercle social était très restreint. Pas de loisirs. Pas énormément d'amis non plus. Et encore moins de petit-copain. C'était une enfance destinée à ta propre famille et uniquement. Tu as fini par t'oublier. cinq. Quinze ans et déjà un boulot entre les mains. C'était loin d'être légal, mais tu le faisais quand même. Ça te permettait d'avoir un peu d'argent de poche. Enfin, quand tu pouvais garder ton dû pour toi. Hors, ce n'était pas souvent le cas. L'argent que tu ramenais servait à combler le salaire de ton père. Tu bossais au black, pas franchement légal. Surtout à c't'âge-là. Mais il le fallait. Tu te contentais de faire la plonge dans un vieux motel près d'une autoroute. Chaque soir, t'empruntais le vélo du voisin et tu t'y rendais pour travailler. Tu rapportais une misère. six. Il s'appelait Milo. Tout frais débarquer d'Italie. Un beau brun au teint basané. Un charisme trop parfait. Il avait emménagé au bout de ton quartier. Très loin de votre vieille cabane. Il venait souvent, au motel. C'est comme ça que tu l'as rencontré. T'es tombée amoureuse de lui, comme on tombe d'une chaise. Doucement, puis tout d'un coup. Ce garçon a été le premier. Et dans tous les domaines. Tu n'avais peut-être pas la situation dont rêve tout les petits copains, mais lui, il s'en fichait. Ses parents ne cessaient de lui mettre des bâtons dans les roues. Sous prétexte que tu n'étais pas assez "bien" pour être vu avec lui. Et puis, il y a eu ce tragique accident. Un an de relation secrète, pour que tu l'apprennes via une page du journal que tu avais stupidement volé des mains d'un passant en rentrant chez toi. Il est mort, Milo. Et t'as cru perdre tout ce qui donnait un sens à ta nouvelle vie. sept. Dix-neuf ans, c'est l'âge que tu avais lorsque tes parents sont décédés. Peu de temps avant, tu venais d'perdre ton premier petit copain. Ton premier amour. L'année d'après, tu perds les deux êtres les plus chers à tes yeux. Brûler dans leur propre voiture fraîchement réparée. Une perte, puis une deuxième. Non, c'était beaucoup trop. T'as sombré. Tout doucement. Mais t'as jamais perdu la face devant tes frères et sœurs. Parce que tu te devais d'être forte pour eux. Il le fallait. Tu n'étais pourtant pas la plus vieille, mais t'en faisais partie. C'est toi, ainsi qu'Aron et Paddy, qui avaient repris le flambeau. Les reines de la fratrie. Maintenir cette famille à bout d'bras ne fût pas chose facile. Ça fait seize ans, mais ton chagrin est toujours présent. T'as jamais vraiment eu l'temps de faire ton deuil. huit. Après la mort de tes parents, le ranch a été mis à l'abandon. Les King n'étaient plus ... Chacun prenaient des chemins différents, plus ou moins. Toi, tu t'es acharnée pour trouver un boulot qui paie bien. Ce qui ne fut pas vraiment le cas. Serveuse dans un dîner des années 70/80, c'est tout c'que t'as pu trouver. Au début, ça te plaisait. Et puis d'année en années, l'envie d'entreprendre de grandes choses s'est fait ressentir. Hors, t'as pas les moyens. Tu vis de rien. Alors tu te contentes de ce que tu as. Du peu que tu as. neuf. Et puis, il a débarqué dans ta vie. Comme une bouffée d'oxygène. Tout est allé si vite. Il avait un peu d'argent. De quoi subvenir à vos besoins. Il t'a promis de belles choses. Un avenir presque parfait. Une vie de rêve. Cet homme s'est doucement joué de toi. Naïve, tu n'as rien vu. Un mariage. Puis un bébé. Ce n'était pas prévu. Un accident, comme il le dit si bien. T'as souffert de ce retournement de veste. Il a demandé le divorce. Te laissant sous les dettes. Des crédits à ta charge. Signé de tes propres mains, mais dont t'as même pas vu la couleur. "C'est pour monter mon entreprise", avait-il dit. Sous prétexte qu'il réussirait et qu'après vous deviendraient un couple de riches. T'y croyais dur comme fer ! Des crédits à rembourser un peu partout. Interdit bancaire pendant cinq ans. C'est devenue ça ta vie. T'as un peu d'argent de côté, mais ça n'suffit pas pour combler les dettes. Alors tu te contentes de survivre, avec ta fille de six ans sous l'bras. dix. Dernièrement, les deux aînés de la famille on suggérer de reprendre le ranch des parents. Une sorte d'hommage. Malgré tes nombreuses dettes, t'as accepté de donner ta part pour le racheter. Et tu comptes bien participer à la rénovation. Parce que ça fait du bien de te dire qu'une partie d'eux sera toujours là, parmi vous, dans ce ranch.