poupée sage entre les mirages, le coeur battait trop fort dans la cage d’os quand l’ignorance frappait encore. inconscience entre les murs de ce foyer tendre (incohérence dans les draps de la chambre.) malo, elle a les yeux clos lorsque les poings de papa se tachent de rouge et que la peau de sa maman se peint de bleu. l’abus caché, les secrets scellés entre les lèvres roses, sous les sourires moroses (ecchymoses). la mère se maquille pour cacher les constellations sur la chair. elle enfile ce masque à chaque journée, protégeant la pureté. et la nuit, quand les gens biens sont endormis, elle tait sa tragédie.

(pour sauver les poussières de sa vie,
cette petite fille au regard si joli.)

et maman, un jour, elle est partie. (une nuit, elle s’est éteinte pour retrouver les hautes lumières à distance de son enfer.) papa aussi. sous la cacophonie des sirènes, sous les regards blêmes. le jugement dans les yeux des passants et l’enfant ne comprend pas vraiment. pourquoi on lui a volé sa maman ? elle et ses sourires grands. elle était belle sa maman, trop certainement. jalousie excessive envers ses traits admirés lorsque les hommes se retournaient sur sa silhouette élancée. papa il s’est dit que s’il la tabassait, on ne verrait pas la beauté.

(il a eu raison quand elle s’est faite enterrer.)

et malo, quinze ans, les yeux moins brûlants de ces lueurs d’été (celles que sa mère lui avait hérité), on la balade de foyer en foyer sans trouver d’ancrage à la clé. car gamine est infantile, gamine semble vide. les phalanges toujours attachées à ce collier, elle tourne pas la page de son passé. la tristesse mutant en colère quand les cauchemars lui empêchent d’inspirer de l’air.

( parce qu’elle se dit qu’elle aurait pu l’aider,
sans les oeillères sur son regard bleuté.)

puis l’adolescente finit par s’installer dans une famille, l’air toujours détaché mais le besoin d’avoir des bras dans lesquels se reposer. et la scolarité à côté, seul moyen pour exorciser les mauvaises pensées. elle donne son âme dans les livres et son corps dans le sexe ivre. le besoin de ressentir encore quelque chose dans la carcasse morose. mais les rêves la bercent dans son inconscience, un moyen de justifier toute son histoire démence. car elle veut aider malo, elle veut sauver ces gamins qui n’osent pas parler mais qui ont les prunelles déjà trop marquées par les images ensanglantées.

( comme un moyen de se venger de ce père,
qui lui a volé son bonheur éphèmère.)

enfin la majorité, la jeunesse soufflée et l’envie de voyager ailleurs, de prendre un nouveau départ loin de cette angleterre horreur. elle s’envole l’astre dans le pays du rêve idéalisé, à distance des désastres. enchainant petits boulots et études bourreaux, elle finit par y arriver la beauté à se distinguer. à briller de cette lumière (autrefois éteinte), à ressembler à sa mère.

( lorsqu’elle étincelait de ses lueurs d’été,
qu’elle lui raflait le coeur avec un de ses sourires candeurs.)

et malo elle se fend le palpitant de quelques battements pour une gueule d’ange, celle qui vous attrape et vous dérange. le corps offert entre les paumes masculines et le myocarde donné entre les phalanges fines. amour violent, qui frappe en un instant, qui fout en bordel les sentiments. elle s’écrase par terre la misère et il la récupère avec un sourire sincère. quelque chose de beau dans le chaos.

( elle l’aimait trop fort,
et elle l’a détruit avec la même intensité. )

sous son sein, la grenade se dégoupille, la maladie se faufile. rougeurs sur la poitrine et les nausées nuisibles lorsque la tête tourne trop fort. le diagnostic est violent, comme le regard des gens. cancer. le coeur se retourne à l’envers. l’envie de vomir avant de s’enfuir mais l’espoir au fond d’une solution. et l’ange qui la soulève loin du sol, à la porter toujours trop haut pour voir les échos d’un sourire sur ses lèvres fièvres. ils se sont battus ensemble entre les chimios et les flots. jusqu’à la buter la maladie, la détruire dans un instinct de survie.

( mais elle n’a pas abandonné,
elle l’a suivie.)

et quand elle est réapparue, tout s’est confondue. récidiviste affamée qui réclame les frais. malo elle a compris qu’elle pourrait jamais s’en séparer. alors elle s’est séparée de celui qui pouvait l’aider. brisant cinq ans de relation à cause de sa condamnation. lui offrant une autre vie malgré les fissures de son coeur agonie. et elle est partie, elle a fuit.

( cherchant le réconfort contre les reins des divins,
s’oubliant dans les histoires sans lendemain. )

puis le quotidien a repris, le déni a tout avalé entre les histoires macabres des foyers déchirés. chaque jour, un autre visage face à elle, un autre conte solennel. et cette petite fille dans laquelle elle s’est identifiée, elle avait des taches de rousseurs sur le bout du nez et des étoiles dans son regard printanier. beauté qui est venue témoigner que son père tapait sa maman quand elle se cachait dans ses draps blancs. puis parfois, il levait les poings sur elle quand la mère partait loin de cet enfer oppressant. môme était innocente, elle dessinait quand malo était tremblante. face à l’injustice d’un monde empli de vices. et quand le père s’est fait arrêter, elle lui a offert sa fresque le petit chef-d’oeuvre lui volant son coeur. (lui rappelant avec terreur qu’elle n’aura jamais d’enfant.) et chaque fois, que le monde semble trop peser sur ses épaules lourdes, les yeux clairs contemplent les traits colorés sur le papier. comme pour s’exiler de cet univers carnassier.

( car exister en vaut la peine,
malgré la douleur blême. )

et parfois, elle se retrouve là bas. dans ses réunions où les condamnés, comme elle, parlent de leurs maladies et de ses problèmes. mais elle ne dit rien la belle, scelle ses lèvres, écoutant plus que se manifestant. car si elle les ouvrait, tout deviendrait trop vrai. la mort n’attendant qu’une fissure pour la bouffer à l’usure. alors malo elle ne lui offre pas un mot. elle retient ses peurs et l’horreur. elle brille de sa clarté pour offrir quelques rayons d’été.