@alix gardner

Assise autour de ces murs de bois, à me ronger les ongles et craindre pour le futur, je compulse son profil. Cette fille vient d’ailleurs et elle a décidé de me pourrir la vie avec toute sa famille de pincés du cul. Je n’arrive pas à y croire, un malheur ne vient vraiment jamais seul. Heureusement que tu t’en es allé papa, je n’aurais pas voulu te voir prêt à exploser et prendre ton fusil pour mettre en garde ces .. Millionnaires ? Milliardaires ? Tout ce que je vois, c’est mon profit s’envoler. Les infrastructures de leur domaine sont modernes, de quoi ramener une nouvelle clientèle et rafler une partie de la mienne. Le feu crépite dans l’antre de la cheminée. Recroquevillée sur mon canapé, un panorama à couper le souffle sur le ranch, je caresse cette boule de poil rousse qui s’est installée sur le canapé pour sa sieste. Le pire, c’est que leurs limites de propriété jouxtent pratiquement les nôtres. Ont-ils des limites ou comptent-ils grignoter mètre par mètre pour réduire à néant l’empire Hale ? Je peux plus rester dans mon coin, à dénuder mes pouces de leur chair. Le chat ignoré, je me relève et enfourne mes pieds dans des bottes propices au terrain qui borde la bâtisse. Je vais aller les voir. Tant pis si je tombe sur le père et ses grands sabots, je dois évaluer la température et voir jusqu’où ils comptent empiéter sur notre commerce. Faisant un détour par les cuisines s’occupant des gîtes, je remplis un panier de muffins et je m’engouffre dans mon pick-up. Quelques kilomètres et j’entre enfin dans un lieu .. plus sophistiqué que ce que j’ai connu. Bagnole garée, je me retrouve au centre du ranch, mon panier pendu au poignet, sans savoir dans quelle direction me rendre pour avoir « l’honneur » de rencontrer un membre de la famille royale. Quelques regards ici et là et un chien sorti de nulle part vient me tourner autour, probablement en quête de mes gâteaux encore tièdes. « Pssschit, oust ! Du balai ! C’est pas pour toi, mais pour tes maîtres à la noix ! » J'angoisse. J'suis pas douée pour affronter un vieux plein d'expérience. Sortez-moi de là. À .. l'aide.

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Toupie qui tourne sur elle-même, je suis la proie secondaire d’un toutou affamé. J’adore les chiens, mais celui-ci, il ne m’appartient pas et il est en fascination pour mon panier. Et il en a de la force. Je vais lâcher et m’étaler chez les Gardner, really ? Il manquerait plus que la presse locale rapplique à cet instant et photographie le tout pour l’afficher dans le journal. Me dressant sur la pointe de mes pieds tout en me plaquant contre mon véhicule, mon ange-gardien apparaît enfin. Une femme. Snob, raccord avec les lieux. J’ai l’air d’une pouilleuse, à l’image du ranch qui m’appartient désormais et qui est totalement rustique comparé à celui-ci. Très bien, j’ai enfin l’identité de mon agresseur qui est aussi de sexe féminin. Arya. Arya craint sa maîtresse et me lâche la grappe sur la demande de la demoiselle fraîche comme une marguerite. On ne bégaie pas et on élimine surtout le botox qui fige ma face. Elle est splendide, encore plus en vrai que sur une photo faite de pixels. Tes yeux, j’ai l’impression qu’ils vont m’absorber. Ils sont si grands, si déroutant. J’dois atterrir ou bien tu vas me prendre pour une arriérée des montagnes. « Euh non. Je .. Je suis une de vos voisines à des kilomètres. Beth-Ann Hale. Je suis la co-propriétaire du ranch qui porte mon nom. Avec ma soeur. » Parce que mes parents ont passé l’arme à gauche tu vois. J’suis désespérée, sans vie intime, à me démener pour lutter contre toute cette opulence que tu ramènes. Je m’étais promis de ne pas me chauffer, on se relaxe Beth. Ouais, j’suis venue dans la paix, j’dois pas rentrer en ayant déclaré une guerre. « Je vous apportais juste un bon panier de muffins pour vous souhaiter la bienvenue dans le coin. Vous n’êtes pas d’ici pas vrai ? » Bien sûr que noooon, vous avez juste débarqué de nulle part pour voler des parts de marché à des gens simples comme nous, félicitations. « Vous aviez l’air pressé, je repasserais plus tard .. » Ou jamais. J'enverais plutôt Nina, elle a plus de gueule.

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Ça carbure dans l’organisme. Le paysage se floute autour de moi. La chienne se roule un peu plus loin, me laissant face à sa maîtresse apprêtée. Ma timidité me déstabilise et je la chasse pour éviter une première impression désastreuse. On va devoir cohabiter nous deux. Bien entendu, des tensions apparaîtront, elles sont même déjà là, dans cet air qui nous entoure. L’électricité est palpable, on se cherche, on se sent. C’est inconscient, primitif. Notre business respectif est en jeu. Tu viens gratter une part de mon marché en t’installant ici, je ne peux pas l’ignorer. Ça me dérange, c’est certain. J’aurais davantage préféré que toutes ces installations s’érigent à quelques villes d’ici. Le plus loin possible en réalité. Mais c’est trop tard. Je dois faire avec cet obstacle, cette difficulté, cette embûche. Je n’ai jamais été une vilaine fille, une de ces pestes terribles que l’on peut voir dans les séries télé pour ados. C’est ainsi que je fais profil bas et preuve d’amabilité. Ces muffins sont le gage de ma bonne volonté. Je n’ai pas envie qu’on se tire dans les pattes ou qu’on s’affronte en duel comme dans les westerns. Si on pouvait co-habiter, ce serait non négligeable. Ok, je ne m’attendais pas à cette réaction. Je balbutie. Je cligne des yeux à la vitesse de la lumière. Est-ce que tu plaisantes ? Ma gorge se noue. Je m’étouffe. Le malaise est palpable. « Euh, pas du tout. » Si j’étais à ta place, j’avoue que cela m’aurait peut-être effleuré l’esprit. Suis-je trop niaise ? Aurais-tu préféré un boeuf en guise de cadeau de bienvenue ? Une belle vache ? Je me sens si minuscule et crétine. Attention, revirement de situation. Un café. J’hallucine. Prions pour que ce ne soit pas un piège. « Je ne bois pas de café, mais je prendrais un plein de vitamine C, un jus d’orange quoi » Ôtez-moi toute cette nervosité. Souris-moi, désintègre-moi, je me sens tellement de trop. Ouf, l’ambiance se détend. Une pincée de confessions attise ma curiosité. Et puis tu pars. Tu me laisses la bouche entrouverte, mon panier au poignet, l’air bien bêbête. Quelques mètres nous séparant, je les rattrape en trottinant pour revenir à ta hauteur. « Vous vouliez dire quoi par l’attitude générale des habitants ? On vous a secoué ? » Alors je ne suis pas la seule à voir l’arrivée de ta famille comme une menace. Je suis désolée, mais moi, ça me soulage et me réconforte. C’est tellement malsain, t’as probablement rien demandé à la lune pour en arriver là, mais tu bouleverses le quotidien de tas de gens. Et où on va-t-on ? Tu me conduis à l’abattoir hein ? « Bon, je dois me confesser, ma bienveillance est plutôt stratégique. Vous me faites peur. Vous nous faites de l’ombre, mais je ne voudrais pas que ça se complique non plus .. J’ai toujours grandi ici, j’ai récemment hérité du ranch après le décès de mon père, c’est la loose et votre installation en rajoute une couche » Au moins c’est dit, on ne sera probablement jamais les meilleures amies du monde, mais on pourrait tout de même se .. supporter.